I.- Le tribunal compétent
Un recours contre
une obligation de quitter le territoire français est possible devant le
tribunal administratif compétent. La compétence du tribunal administratif est
de déterminer au regard de la préfecture dont le demandeur dépend.
Exemple : Paris (ville de Paris), Versailles (Essonne, Yvelines), Montreuil (Seine-Saint-Denis), Melun (Seine-et-Marne, Val-de-Marne), Cergy-Pontoise (Hauts-de-Seine, Val-d’Oise).
II.- Le délai pour exercer le recours
Le recours devra
impérativement être envoyé dans un délai de 30 jours suivant la notification de
la décision d’OQTF lorsque :
▪ la délivrance ou
le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre
de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;
▪ le récépissé de la
demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait
délivré à l’étranger lui a été retiré ou le renouvellement de ces documents lui
a été refusé ;
▪ le comportement de
l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois
constitue une menace pour l’ordre public ;
▪ l’étranger qui ne
réside pas régulièrement en France depuis plus de 3 mois a méconnu l’article L.
5221-5 du Code de travail.
Le recours doit
impérativement être envoyé dans un délai de 15 jours suivant la notification de
la décision d’OQTF lorsque :
- l’étranger ne peut
justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne
soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;
- l’étranger s’est
maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa
ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de
3 mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un
premier titre de séjour régulièrement délivré ;
- l’étranger n’a pas
demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ou pluriannuel et
s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;
- la reconnaissance
de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été
définitivement refusée à l’étranger ou si l’étranger ne bénéficie plus du droit
de se maintenir sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire
d’un titre de séjour en cours de validité.
Ce recours obéit à des règles de procédure principalement issues du droit administratif et du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
III.- Un recours contre une décision « divisée » en trois parties
L’OQTF se présente
sous la forme d’un acte unique qui intègre plusieurs décisions. A sein de cette
décision, un premier article informe l’étranger que sa demande de titre de
séjour est refusée. Un deuxième article précise qu’il doit quitter le
territoire français dans un délai d’1 mois ou sans délai. Enfin, un troisième
article indique le pays dans lequel l’étranger est renvoyé.
Le recours contre cette décision doit donc revêtir la forme d’un recours contre 3 décisions. La mise en forme du recours suit une architecture logique et pratique. Pour un néophyte, la rédaction du recours prendra un certain temps. En revanche, pour l’expert en droit des étrangers, ce sera surtout le travail de classement des pièces qui s’avèrera chronophage.
1. Le recours contre le refus de séjour
Le recours contre un refus de séjour est un contentieux dit de l’excès de pouvoir, grand classique du contentieux administratif. Par conséquent, il est ici question d’attaquer la légalité d’un acte administratif. Cet acte sera alors contesté sous deux angles : celui de la légalité externe (a) et celui de la légalité interne (b).
(a)
Légalité externe du refus de séjour
Le terme de légalité externe désigne la nature extérieure de la décision. Peuvent ainsi être attaquées la compétence de l’auteur de la décision et sa motivation, ou son absence de motivation.
(b)
Légalité interne du refus de séjour
L’adjectif interne signifie que, au regard des circonstances de l’espèce, le requérant va démontrer que la loi a été mal appliquée. C’est donc la substance même du syllogisme juridique de la décision qui est attaquée : les faits constituent la « mineure », la règle de droit la « majeure », et l’application de la règle aux faits, la conclusion de la motivation de l’Administration.
A ce titre, il existe quantité de règles applicables et chaque contentieux d’espèce est, par nature, spécifique. Il faudra alors à chaque fois s’attacher à prouver qu’en fonction des pièces apportées au soutien du recours, la loi a été violée ou mal appliquée par l’autorité administrative. S’il est vrai que chaque cas est différent, la majorité des annulations de refus de séjour par le juge administratif s’opère sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) protégeant le droit fondamental de toute personne au respect de sa vie privée et familiale.
2.- Le recours invoquant l’illégalité de l’OQTF
Dans
le corps du recours contre le refus de séjour, l’étranger doit invoquer les
moyens prouvant que l’administration n’a pas fait une étude correcte du
dossier. Dans le recours contre l’OQTF elle-même, à savoir l’éloignement du
territoire français proprement dit, ce seront les arguments légaux empêchant
l’éloignement de l’intéressé qui seront mis en évidence.
La
loi énumère les cas précis dans lesquels une OQTF ne peut être prise contre un
étranger :
- l’étranger
mineur,
-
l’étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis
qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans,
-
l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s’il
a été, pendant toute cette période, titulaire d’un titre de séjour temporaire
portant la mention « étudiant »,
-
l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 20 ans,
-
l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant
français résidant en France, à condition qu’il établisse contribuer
effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant,
-
l’étranger marié depuis au moins 3 ans avec un conjoint de nationalité
française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le
mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française,
-
l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui, ne
vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins 3 ans avec un
ressortissant étranger résidant régulièrement en France, à condition que la
communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage,
- l’étranger
titulaire d’une rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle
servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est
égal ou supérieur à 20%,
-
l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessité une
prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des
conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un
traitement approprié dans le pays de renvoi,
- le ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent.
3.- Le recours contre le pays de destination
L’étranger
doit démontrer que, en cas de retour dans son pays d’origine, il sera sans
doute victime de traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3
de la Convention européenne des droits de l’homme. A l’instar d’un recours dans
le cadre d’une demande d’asile, il faudra alors s’attacher à prouver
l’éventualité de ces risques de façon aussi détaillée que possible, et faire
cette démonstration en expliquant très concrètement pourquoi l’intéressé serait
personnellement exposé à des mauvais traitements. En effet, la seule invocation
d’une situation générale de troubles dans le pays d’origine n’est pas
suffisante.
De
surcroît, si l’intéressé a déjà demandé l’asile politique par le passé mais a
finalement été débouté, il devra alors rappeler ici la procédure d’examen de sa
demande et conclure en démontrant que le rejet de sa requête par la Cour
nationale du droit d’asile n’implique pas l’inexistence de risques pour lui ou
pour sa famille restée au pays d’origine.
A contrario, si l’étranger sous le coup d’une OQTF n’avait pas fait de demande d’asile préalable, mais qu’il existe bel est bien des risques, il lui faudra alors démontrer à la fois l’existence de ces risques et expliquer au juge administratif les raisons pour lesquelles l’asile n’a pas été demandé.
IV.- L’importance du choix des pièces à communiquer au juge
Le
choix des pièces est un aspect du travail de l’avocat tout aussi décisif pour
gagner un dossier que l’écrit lui-même. Cette sélection des pièces pertinentes
requiert une attention particulière, et participe pleinement à la stratégie de
défense entreprise. Certaines pièces ont plus de valeur probante que d’autres
(ex : les acte de l’administration). Ce sont celles qu’il faudra apporter
en priorité et mettre en avant. Cependant, les pièces qui, prises isolément, sont
considérées comme moins probantes, peuvent constituer un faisceau d’indices
propre à confirmer l’authenticité du fait avancé (ex : témoignages). En
l’absence de tels document, d’autres preuves sont à prendre en compte
(ex : ordonnances médicales, contrat de location, quittances de loyers,
contrat de travail, etc.).
Un
bon dossier est celui pour lequel on pourra verser aux débats contradictoires
un ou deux documents émanant de l’administration ou de services publics par
année, et deux ou trois autres documents qui confirmeront la présence de
l’étranger concerné sur le territoire français pour telle ou telle année. En
outre, il est nécessaire d’évaluer les avantages et inconvénients de l’apport
d’une preuve matérielle.
Enfin,
l’avocat rédigeant le recours, doit veiller à ne pas produire des faux
documents ou des documents falsifiés, que lui aurait remis son client ou
n’importe quel intervenant extérieur, ce qui, d’une part, en plus d’être
illégal, le discréditerait aux yeux du juge, et, d’autre part, aurait forcément
une incidence non négligeable sur la crédibilité du dossier et donc anéantirait
les chances de succès du client.
Le succès d’un recours contentieux repose donc sur le choix des pièces fournies, leur pertinence par rapport à la contestation de la motivation de l’administration. Il est ainsi essentiel que les étrangers effectuent, en amont, un véritable travail de classement de ces pièces.
En
conclusion, s’il est vrai que les étrangers en situation irrégulière sont
souvent appelés les « sans papiers », cette formule paraît mal
choisie. En effet, afin d’avoir des chances de succès lors du recours en
annulation de l’OQTF ou lors de leur demande de titre de séjour, les étrangers
doivent conserver pendant des années l’ensemble des documents prouvent leur
résidence en France et leurs liens avec le territoire.