Les
Etrangers qui souhaitent se rendre légalement en France - ou dans l’un des
Etats-membres de l’Union européenne - doivent faire la demande d’un visa auprès
les ambassades ou consulats français présents dans leur pays d’origine. Dans la
plupart des pays, les demandes de visa se font en ligne auprès de guichets
uniques gérés par des prestataires privés –
TLS CONTACT, VFS GLOBAL, CAPAGO –
travaillant pour le compte de la France dans le cadre de l’externalisation du
traitement des demandes de visa.
Le visa est une autorisation administrative de voyager, d’entrer et de séjourner pendant une certaine durée sur le territoire d’un Etat dont il n’est pas le ressortissant. Il peut être de court séjour (visa Schengen dit touristique pour un séjour n’excédant pas 3 mois, délivré pour des voyages de tourisme, d’affaires, des stages, des conférences ou des visites familiales) ou de long séjour (visa étudiant, visa salarié étranger, visa de conjoint étranger de ressortissant français, visa d’enfant étranger de ressortissant français, visa en qualité de bénéficiaire de la procédure de regroupement familial, visa visiteur , visa pour cause de kafala, délivrés pour un séjour de plus de 3 mois) en fonction des projets du demandeur et de l’objet de son séjour en France. Les documents demandés et les conditions fixées par les ambassades ou consulats français ne sont donc pas les mêmes selon le type de visa sollicité.
En pratique, il est de plus en plus difficile d’obtenir un visa pour se rendre en France à cause des politiques de restriction des flux migratoires imposées par les différents gouvernements français. Selon des études officielles, les refus de visa concernent majoritairement les ressortissants étrangers originaires d’Afrique, les pays dits du Sud. Même si, en réalité, la décision de refus est motivée par des considérations politiques, les motifs utilisés par les autorités consulaires françaises pour justifier leur refus sont, quant à eux, d’ordre juridique.
Concernant le visa de court séjour dit « Schengen », les motifs de refus sont au nombre de huit :
-
le document de voyage présenté est faux / falsifié
-
vous n’avez pas fourni la preuve que vous disposez de ressources suffisantes
pour couvrir vos frais de toute nature durant votre séjour en France
-
vous ne vous êtes pas engagé à n’exercer aucune activité professionnelle
-
vous ne disposez pas d’une assurance-maladie adéquate et valable
-
il existe un risque de détournement de l’objet du visa à des fins de maintien
illégal en France après l’expiration de votre visa ou pour mener en France des
activités illicites
-
les informations communiquées pour justifier
l'objet et les conditions du séjour envisagés sont incomplètes et/ou ne sont
pas fiables
-
vous faites l’objet d’une mesure vous interdisant le retour sur le territoire
français
-
vous présentez un risque de menace pour l’ordre public, la sécurité publique,
la santé publique.
S’agissant des visas de long séjour, les motifs de refus ne sont pas quantifiables en raison de la diversité des visas proposés. On se contentera d’exposer les motifs les plus courants :
- il existe
des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d’établir
que vous séjournerez en France à des d’autres fins que celles pour lesquelles
vous demandez un visa pour études (visa de long séjour
pour études)
- les
informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour
envisagés sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables (visa de long séjour en
qualité de visiteur, visa de long séjour en qualité travailleur salarié)
-
le (ou les) document(s) d’état civil que vous avez présenté(s) en vue d’établir
votre état civil comporte(nt) des éléments permettant de conclure qu’il(s) (ou ne
sont) pas authentique(s) (visa de long séjour au titre du regroupement
familial)
- vos
revenus sont insuffisants pour faire face, de manière autonome, aux frais de
toute nature liés à un séjour en France de plus de trois mois (visa de
long séjour en qualité d’ascendant d’un
ressortissant de nationalité française ou de son conjoint)
- vous présentez un risque de menace pour l’ordre public d’une gravité
telle qu’un refus de visa ne porte pas à votre vie familiale ou privée une
atteinte disproportionnée (visa de long séjour sollicité en qualité de conjoint étranger de
ressortissant français)
- le dossier
déposé ne contient pas la preuve de la filiation entre l’enfant et le
ressortissant français (visa de long séjour sollicité en qualité d’enfant étranger de ressortissant
français).
Dès lors que ces motifs sont par nature juridiques, le contestataire doit savoir développer des arguments juridiques visant à démontrer que la décision consulaire n’est pas recevable, voire illégale, ce qui implique de connaître parfaitement le droit applicable en matière de visa. Cela n’étant pas de la portée de tous, il sera vivement recommandé de faire intervenir un avocat spécialisé en droit des visas pour contester la décision consulaire. Dans tous les cas exposés, le demandeur ne doit pas hésiter à contester le refus de visa qui lui est opposé par l’administration en usant des voies de recours qui lui sont ouvertes, tout en gardant à l’esprit que la forme (I) et le fond (II) sont indissociables dans le processus de contestation.
I.- Le respect strict des règles de procédure
Le contestataire ne peut saisir le juge d’un recours contentieux (B) s’il n’a pas contesté au préalable la décision consulaire devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (A).
A) Devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV)
En cas de
refus de visa, le demandeur dispose d’un délai strict de 30 jours pour
contester la décision consulaire devant la Commission de recours contre les
décisions de refus de visa d’entrée en France (CRRV), basée à Nantes. Le
recours se fera pour courrier recommandé avec accusé de réception à l’adresse
suivante : Commission de recours contre les décisions de refus de visa
d’entrée en France (CRRV), BP 83609, 44036 NANTES Cedex 1. Il s’agit là d’un
recours préalable obligatoire, sans quoi toute action en justice sera déclarée
irrecevable par le tribunal administratif.
L’intérêt de ce recours est de permettre un réexamen du dossier par les membres de la commission.
La CRRV est une commission de recours amiable dépendant du ministère de l’intérieur. Elle est censée statuer en toute indépendance. Son rôle consiste à filtrer le nombre des recours formés contre les refus de visa d’entrée en France.
Elle dispose d’un délai de deux mois pour répondre à compter de la date de réception du recours, étant précisé que l’absence de réponse dans le délai imparti équivaut à une décision implicite de refus. La CRRV peut ainsi :
- soit
répondre favorablement au recours et alors recommander au ministre de
l’intérieur d’accorder le visa sollicité, la décision finale revenant ainsi au
ministre qui n’est pas obligé de suivre l’avis de la commission ;
- soit
rejeter le recours en exposant dans sa décision explicite le(s) motif(s) de
refus ;
- soit ne pas répondre dans le délai de deux mois.
B) Devant le tribunal administratif de Nantes
En cas de rejet explicite ou implicite
de la CRRV, le demandeur dispose d’un délai strict de deux mois pour saisir le
tribunal administratif de Nantes d’un recours contentieux visant à demander
l’annulation de la décision attaquée, voire l’injonction de délivrer le visa
demandé s’il a été illégalement refusé. On parle alors de recours en annulation
S’agissant d’une procédure au fond, la durée du procès est relativement longue
(au moins 12 mois) en fonction du calendrier judiciaire fixé par le magistrat.
S’il y a urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes peut être saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée. On parlera alors de référé-suspension. Dans ce cas précis, le demandeur devra démontrer que la condition de l’urgence posée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est satisfaite en l’espèce, c’est-à-dire une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur ou aux intérêts qu’il entend défendre en justice (CE, 19 janvier 2001, n° 228815). Par ailleurs, le recours en référé implique de déposer au préalable un recours en annulation devant le juge du fond, dans la mesure où le juge des référés n’a pas le pouvoir d’ordonner de délivrer le visa sollicité. Seul le juge du fond en a le pouvoir. Le juge des référés se prononce dans un délai compris entre 48 heures et un mois à l’issue de l’audience.
Compte tenu de la complexité de ces procédures contentieuses, l’assistance d’un avocat spécialiste du droit des visas est vivement recommandée.
II.- La mise en œuvre d’une stratégie juridique efficace
Toute stratégie juridique dite efficace suppose de développer des arguments solides (A) et de rester vigilant face à la stratégie de l’adversaire (B).
A) Des arguments solides
En fonction des motifs de refus
contestés, il est essentiel de développer dans le recours contentieux des
arguments juridiques précis susceptibles d’être invoqués devant le juge pour le
convaincre d’annuler ou de suspendre la décision attaquée. Les arguments
doivent toutefois être corroborés, pour chacun d’entre eux, par des pièces
justificatives précises, concordantes et matériellement vérifiables.
Les arguments les plus récurrents sont les suivants :
a) L’erreur manifeste d’appréciation
de la décision attaquée :
L’objectif est de démontrer que
l’administration s’est trompée dans l’appréciation des éléments contenus dans
le dossier de demande de visa ou des moyens de subsistance du demandeur pour le séjour envisagé.
Par exemple, pour contredire le motif selon lequel « les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé ne sont pas fiables », il faut d’abord cibler les textes applicables, à savoir, pour ce qui concerne le visa Schengen, les articles 14 et 21 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 et l’article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit " code frontières Schengen " ; il faut ensuite vérifier que toutes les pièces insérées dans la demande de visa soient bien complètes, précises et conformes au cadre légal susvisé ; il faut enfin démontrer l’absence de contradictions des informations qu’elles contiennent. Cette stratégie permet ainsi de démontrer que l’administration a, en réalité, entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.
La stratégie reste la même pour tout autre argument juridique en se posant systématiquement les questions suivantes :
- quels sont les textes de lois applicables au cas
d’espèce ?
- quelles sont les informations contenues dans les pièces
justificatives ?
- sont-elles conformes au cadre légal ?
b)
l’atteinte au droit au respect de la vie privée et familiales prévu par
l’article 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme (CEDH) qui le proclame en ces termes : « 1.- Toute personne a droit au
respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance". 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique
dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par
la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est
nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui ».
Le refus de visa peut, en effet, porter une atteinte au droit à la privée et familiale lorsqu’un visa est demandé pour visite familial ou lorsqu’il est sollicité par un conjoint ou enfant étranger d’un ressortissant français ou lorsque le demandeur est bénéficiaire de la procédure de regroupement familial.
L’atteinte à la vie privée et familiale peut même être considérée comme excessive et disproportionnée par rapport à l’objectif de contrôle migratoire, si l’on considère les circonstances que le demandeur du visa est inconnu des services de police et de la justice, qu’il ne présente pas de menace à l’ordre public ou qu’il n’a pas déjà séjourné irrégulièrement sur le territoire français.
B) Une vigilance accrue face à la substitution des motifs par l’administration en cours de procédure
L’administration peut changer le(s)
motif(s) de refus par d’autre(s) en cours de procédure contentieuse devant le
tribunal administratif de Nantes. Elle peut, en l’occurrence, faire valoir devant
le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée
est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui
initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date
de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur
du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée,
de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision
attaquée, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration
aurait pris la même décision si elle s’était fondée sur ce motif. Dans
l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve
toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale lié au
motif substitué (CA de Nantes, 14 février 2025, n° 23NT02319).
C’est le cas, par exemple, lorsque le consulat français et la CRRV justifient leur décision de refus par le motif tiré de ce que les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour en France sont incomplètes ou ne sont pas fiables, et, en cours de procédure contentieuse devant le tribunal, l’administration met en évidence un nouveau motif, celui du risque de détournement de l’objet du visa à des fins de séjour illégal en France.
Même si elle est légale, cette façon de faire constitue néanmoins, entre les mains de l’administration, une stratégie procédurale visant à anéantir le travail laborieux et les efforts de plusieurs mois du demandeur du visa pour contester le motif initial.
Il faut donc rester vigilant à chaque étape du recours contentieux et surtout ne pas hésiter de se faire assister par un avocat spécialiste maîtrisant les arcanes techniques et judiciaires de l’affaire dont il a la charge, et qui saura contrecarrer les nouveaux arguments de l’administration.